Qu’est-ce qu’un focus group ?

Le focus group (ou groupe de discussion), créé aux États-Unis dans les années 1940 par les sociologues K. Lewin et R.K. Merton, est une technique de recherche qualitative utilisée dans les sciences humaines et sociales, dans lequel un groupe de personnes est invité à parler, discuter et se confronter sur son attitude personnelle envers une thématique, un produit, un projet, un concept, une idée, etc. Les questions sont posées de manière interactive : les participants du groupe sont libres de communiquer avec les autres membres, suivi par la supervision d’un facilitateur, généralement le chercheur.

L’objectif principal d’un focus group est de se concentrer sur un sujet spécifique et de provoquer des réactions et participants. Ils doivent être au moins 6-7 et pas plus de 12-13, car un nombre inférieur pourrait affecter la dynamique du groupe, tandis qu’un nombre plus élevé tend souvent à censurer l’intervention d’opinions contraires ou faibles, ne permettant pas à tous les participants d’exprimer leurs idées de la meilleure façon possible. L’idée n’est pas de résoudre la question qui est interrogée pendant la discussion : le focus group est fait pour que les participants proposent eux-mêmes des solutions.

Quid des focus groups en ligne ? 

Avec l’avènement d’Internet, et encore plus cette année avec la crise sanitaire, la recherche qualitative a dû s’adapter aux nouvelles modalités de récolte de données proposées par les outils numériques. Les visioconférences, les messageries instantanées et les partages d’écrans ont permis aux focus groups de se déployer en ligne. Malgré les difficultés qui se présentent lorsqu’on mène cette typologie d’expérience à distance, notamment celles qui dérivent de la nécessité d’animer un débat et de garder un contact visuel attentif sur les dynamiques des participants, les outils de visioconférences fournissent une aide utile. 

Dans le cas du focus group mené à distance, comme en présentiel, le facilitateur doit être capable de guider les participants à une prise de parole partagée et bienveillante, afin qu’elle ne laisse pas les plus timides dans le silence. Le but est d’inviter tout le monde à donner son avis et d’animer ainsi une cascade de questions et réponses qui mènent les participants à s’exprimer sur un produit précis. Nous sommes face à une méthodologie de recherche qui privilégie les opinions subjectives des participants afin de trouver des modèles (patterns) qui font consensus, ou pas. 

Notre expérience avec la Communauté de communes MACS

À la lumière de ces explications de fond, passons maintenant à un cas concret de focus group. Notamment celui conduit le 6 novembre 2020 avec notre partenaire la Communauté de communes Maremne Adour Côte Sud (MACS), qui représente plus de 60 000 habitants, tous utilisateurs potentiels de notre solution.

Dans le cadre des recherches menées par l’équipe des Petits Bots, nous avons conduit une expérience avec 7 participants afin d’avoir un retour général sur la première conception officielle de notre chatbot CivicTech, La petite marianne, déployé pour cette phase de test sur le site officiel de MACS. Les 7 personnes présentes étaient des élus et des agents des communes de MACS, donc des usagers potentiels du chatbot qui ne connaissent pas tous les services citoyens proposés par leur intercommunalité. S’agissant d’un focus group sur un produit existant, l’objectif était de solliciter leurs avis, de générer un débat et enfin de les mettre face au chatbot pour évaluer leurs réactions. 

Les questions ont été posées au groupe entier, en stimulant la participation de tout le monde. D’abord, les participants étaient tous intéressés par l’univers des chatbots, ils en avaient entendu parler et un utilisateur sur deux s’en est servi au moins une fois. Toutes celles et ceux qui s’en sont déjà servis ont affirmé avoir été plutôt satisfaits par ce type d’outil, rencontré sur des sites de service public ou d’e-commerce. 

Concernant les questions autour de l’identité du chatbot, des réflexions intéressantes ont émergées : faut-il expliciter davantage le fait qu’il s’agit d’un agent conversationnel et non d’un être humain ? Plusieurs réponses ont approfondi le débat : un participant accepte bien le fait que le chatbot soit « humanisé » (avec un nom et un avatar), tandis que pour d’autres le mot « chatbot » et « agent conversationnel » semblent ne pas être compris par tout le monde. La question ouverte est de savoir comment ne pas confondre une fenêtre de conversation d’un chatbot avec une fenêtre de messagerie classique, pour ne pas créer de confusion et ne pas frustrer non plus. Mais quel est son rôle au sein du site internet et comment l’exploiter ? 

Sur un site comme celui de MACS, qui regroupe de nombreux services et informations, l’utilisation d’un chatbot semble aider la navigation selon tous les participants ; en effet, à l’unanimité, les participants considèrent qu’un agent conversationnel et son interface de conversation sont plus efficaces qu’un simple site internet pour la recherche d’informations : le chatbot simplifie l’usage du site et prend la forme d’un guide. 

Les modules de démocratie participative

Interrogés sur notre offre de modules de démocratie participative, à savoir les fonctionnalités qui permettraient aux citoyens de s’exprimer sur les politiques locales, les participants ont montré un intérêt particulier pour le traitement des données personnelles. La question de « l’anonymisation de l’identité » est complexe, étant donné que, d’un côté, il faut s’assurer que la même personne ne participe pas plusieurs fois afin de garantir le bon déroulement du processus participatif et, de l’autre côté, il faut protéger l’identité et l’anonymat du citoyen dans ses actions en ligne. Comment résoudre ce problème ? Comment garantir la participation de toutes et tous ?

Une possible solution évoquée serait de passer à travers l’interface de programmation (API) étatique FranceConnect, un dispositif permettant de vérifier l’identité numérique d’un citoyen grâce aux comptes officiels existants dans lesquels l’identité a déjà été vérifiée. C’est un dispositif connu par tous les participants au focus group, cependant selon un participant cela risque de contribuer à la fracture numérique si l’outil de démocratie participative du chatbot n’est accessible qu’à travers ce dernier. Cela signifie que la participation devrait être complétée avec d’autres outils, surtout physiques et non seulement numériques. 

Cependant, une certaine méfiance envers les outils de participation numériques est présente. Il s’agit d’une méfiance envers la technologie au sens large, mais un participant souligne que le manque de confiance vient surtout d’un manque de retour sur les actions entreprises par les institutions à l’issue des démarches de participation citoyenne. Le rôle des institutions est celle de garantir une transparence des résultats des participations citoyennes, à l’appui de données et résultats concrets. Il est urgent de restaurer une relation de confiance dans les processus démocratiques, en prouvant que les résultats des consultations citoyennes conduisent à des résultats traduits en actions concrètes.

Au-delà du focus group, cette expérience est pour nous le début d’un développement conjoint avec les citoyens-utilisateurs. Notre objectif : améliorer les fonctionnalités conçues pour La petite marianne afin de les adapter aux besoins et nécessités citoyens. C’est ainsi que l’on ambitionne de contribuer à la construction d’un contrat social algorithmique entre citoyens et institutions démocratiques.